Association des Jeunes Magistrats (AJM)
http://www.jeunesmagistrats.fr/v2/Guide-de-la-mise-en-examen.html
Guide de la mise en examen
mercredi, 27 mars 2013
/ Jeunes Magistrats

Compte tenu du flou actuel sur les statuts de témoin assisté et de mis en examen, un petit point explicatif s’impose. Il ne s’agit évidemment pas d’un cours de droit détaillé mais uniquement d’éléments permettant de comprendre les différents concepts, en l’état des lois actuelles.


Dans quel cadre parle-t-on de témoin assisté ou de mis en examen ?

Uniquement dans le cadre d’une instruction. Le ministère public saisit un juge d’instruction pour des faits précis, c’est lui qui va cerner le contour de la mission du juge d’instruction. Par exemple si le juge d’instruction est saisi du vol d’un véhicule il ne pourra enquêter que sur ce véhicule et s’il découvre d’autres véhicules volés, il devra solliciter le parquet pour investiguer également sur ces nouveaux faits. Cependant si le juge d’instruction est saisi de faits précis, le ministère public ne peut lui demander de n’enquêter que sur telle ou telle personne. Ainsi pour reprendre l’exemple du vol de voiture, si Monsieur X est initialement visé par l’enquête et qu’il apparaît que Monsieur Y a également commis les faits, le juge d’instruction peut enquêter également sur Monsieur Y.

Majoritairement les dossiers sont instruits par un seul juge. Toutefois en cas de dossiers complexes plusieurs juges sont saisis (2 voire 3). C’est ce que l’on appelle la co-saisine. Les trois juges d’instruction ont ainsi les mêmes pouvoirs d’enquête. Toutefois, l’un des juges désigné comme étant le “premier juge” est seul compétent pour décider de tout ce qui touche à la détention provisoire d’une personne, étant rappelé que ce n’est pas lui qui décide du placement en détention (saisine initiale du juge des libertés et de la détention, demande de mise en liberté...).


Qu’est ce que le statut de témoin assisté ?

Ce statut est automatique lorsque la personne est nommément visée par le ministère public dans son réquisitoire introductif (c’est à dire l’acte qui va saisir le juge d’instruction).

A titre d’exemple, si le réquisitoire indique : “il résulte contre Monsieur Y des indices graves ou concordants d’avoir commis un vol de voiture le 25 mars 2013 à Paris au préjudice de Monsieur X”, Monsieur Y se verra conférer, a minima, le statut de témoin assisté.

Ce statut est également automatique lorsque la personne est visée par une plainte avec constitution de partie civile (c’est à dire qu’une personne va saisir directement un juge d’instruction pour enquêter sur un fait dont elle s’estime victime étant précisé que cette saisine est soumise à plusieurs conditions).

Ce statut, en dehors de ces cas, peut être conféré à une personne par le juge d’instruction s’il estime qu’il existe des “indices rendant vraisemblable” que la personne ait pu participer aux faits.


Quels sont les droits du témoin assisté ?

Ces droits sont assez limités. Le témoin assisté peut demander des confrontations, des contre expertises au juge d’instruction. Il peut également présenter des requêtes en nullité. En effet s’il estime que des erreurs ont été commises, il peut par le biais de son avocat saisir la chambre de l’instruction pour faire annuler tout ou partie du dossier. Le témoin assisté peut également être assisté d’un avocat lequel a un accès à tout le dossier.

Toutefois le témoin assisté ne peut pas faire appel d’une ordonnance du juge d’instruction (donc si le juge d’instruction refuse la demande de contre expertise, le témoin assisté n’a aucun recours possible), il ne peut demander des actes précis d’enquête (l’audition de telle personne par exemple) ou solliciter une expertise.

Ce statut n’autorise aucune mesure de contrainte à l’encontre d’un témoin assisté, que ce soit la détention provisoire ou même le contrôle judiciaire, et la personne ne pourra pas être renvoyée devant un tribunal pour être jugée à l’issue de l’instruction. Seule la mise en examen permet éventuellement de renvoyer une personne devant une juridiction de jugement à l’issue de la phase d’instruction.


Qu’est-ce que le statut de mis en examen ?

La mise en examen suppose qu’il existe à l’encontre d’une personne “des indices graves ou concordants rendant vraisemblable” qu’elle ait pu participer aux faits. Ainsi si la personne estime qu’il n’y a pas d’indices graves ou concordants justifiant sa mise en examen, elle doit présenter une requête en nullité devant la chambre de l’instruction (il ne s’agit donc pas d’un appel).

Ce statut est conféré à une personne dans la majorité des cas à l’issue d’un “interrogatoire de première comparution”. La personne est soit déférée après sa garde à vue (c’est à dire conduite devant le magistrat juste après sa garde à vue), soit convoquée par le juge. Le juge d’instruction doit, préalablement à la décision de mise en examen, recueillir les explications de la personne et le cas échéant de son avocat.


Quels sont les droits du mis en examen ?

Le mis en examen peut faire l’objet d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une détention provisoire, il peut également être renvoyé devant une juridiction de jugement mais parallèlement il a beaucoup plus de droits que le témoin assisté.

Ainsi le juge d’instruction doit notifier toutes les expertises au mis en examen. Ce dernier peut ainsi demander des contre expertises. Le mis en examen peut présenter toutes demandes d’actes lui-même : demande d’auditions de témoins, demandes d’expertises... et a ainsi la possibilité de participer activement à l’enquête menée par le juge d’instruction.

Si le juge rejette ces demandes d’actes, le mis en examen pourra faire appel de cette décision devant la chambre de l’instruction.


Les statuts accordés par le juge d’instruction sont-ils immuables ?

Non. Durant l’instruction une personne peut passer du statut de témoin assisté à celui de mis en examen et inversement. Ce changement de statut est éventuellement décidé par le juge d’instruction, à son initiative ou à celle de la personne elle-même.

Le juge estimant que des éléments nouveaux sont apparus dans le dossier et que ces éléments constituent désormais des “indices graves ou concordants” va mettre en examen la personne initialement sous statut de témoin assisté. De même si des éléments nouveaux à décharge sont apparus par exemple, le juge d’instruction peut estimer que la mise en examen n’est plus justifiée et conférer le statut de témoin assisté.

Comme un mis en examen peut demander à devenir témoin assisté, il peut également arriver qu’une personne bénéficiant du statut de témoin assisté sollicite sa mise en examen. Si cela peut de prime abord surprendre, rappelons que le mis en examen bénéficie de plus de droits que le témoin assisté et une personne peut justement souhaiter exercer de tels droits et participer plus activement à l’instruction en sollicitant par exemple l’accomplissement de certains actes, de certaines investigations.

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