Association des Jeunes Magistrats (AJM)
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La dimension budgétaire dans la prise de décision du magistrat, par Florence Lardet
vendredi, 4 août 2017

Vous trouverez ci-joint une tribune rédigée par Florence LARDET, présidente de l’AJM, publiée dans la Gazette du Palais sur le thème "La dimension budgétaire dans la prise de décision du magistrat".

Notre justice est « à bout de souffle », « sinistrée », « en état d’urgence absolue ». Ce sont les termes du garde des Sceaux et c’est ce que constatent depuis plusieurs années divers observateurs. Sont régulièrement mises en évidence les difficultés inhérentes non seulement à un manque de moyens humains et financiers face à une augmentation du contentieux, mais aussi à une crise de confiance du citoyen vis-à-vis de l’institution. Dans ce contexte, le magistrat se doit de prendre des décisions sans peur de déplaire, indépendamment de toute pression extérieure, qu’elle soit médiatique ou budgétaire. Face à la pression budgétaire, comment agir sur le terrain, notamment dans le cadre de la direction d’enquête ? Faut-il ignorer cet aspect « coût » en considérant qu’il n’appartient pas au magistrat « de terrain » de s’en soucier dans la mesure où des moyens suffisants doivent être mis à sa disposition ? Ne peut-on pas au contraire considérer qu’il s’agit d’un moyen permettant de renforcer la confiance du citoyen à l’égard de l’institution judiciaire ?

Appréhender cette dimension budgétaire, c’est avant tout avoir conscience que nos décisions individuelles, petites ou grandes, ont des répercussions collectives et que chacun peut contribuer à améliorer une situation collective par des actions individuelles. Connaître les dépenses occasionnées par nos actes d’investigation, réfléchir à leur utilité par rapport à l’objectif poursuivi, c’est aussi agir de manière responsable, en se préoccupant de cet aspect des choses. Aspect d’ailleurs évoqué dans le cadre des travaux de la commission des finances du Sénat conduits en 2012 sur la maîtrise des frais de justice. Si l’accent y a été mis sur la « liberté de prescription », comme pendant de l’indépendance du magistrat, Véronique Malbec, alors directrice des services judiciaires au ministère de la Justice a jugé opportun de rappeler que « le besoin de justice est tel qu’il est impossible de refuser au justiciable une expertise en avançant des arguments de coût », mais non sans insister sur la nécessaire sensibilisation des magistrats à la maîtrise des dépenses.

D’aucuns nuancent cette approche en rappelant le caractère dérisoire des frais de justice qui s’élevaient en 2015 à 449,9 millions d’euros, soit à 5 % du budget « justice » de 7,94 milliards, budget ne représentant lui-même que 2 % des dépenses de l’État. Ces chiffres mettent en avant que la justice incarne sur un plan budgétaire une fonction régalienne peu « coûteuse ». Sous cet angle, la tendance serait plutôt de considérer qu’une pression accrue ne saurait être utilement mise sur les épaules de magistrats avec l’appréhension de cette dimension budgétaire. La question est loin d’être aisée et les avis sont partagés. Il n’en reste pas moins que si l’on considère qu’il est inhérent à la fonction du magistrat de comprendre ce qu’il fait en s’inscrivant dans un contexte économique et social, de donner du sens à sa fonction mais aussi d’être en capacité de rendre compte de ses actes, cette question est essentielle et se doit d’être posée. 


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• La dimension budgétaire dans la prise de décision du magistrat, (PDF - 404.2 ko)
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