Association des Jeunes Magistrats (AJM)
http://www.jeunesmagistrats.fr/v2/Fabrice-Burgeau-devant-le-CSM.html
Fabrice Burgaud devant le CSM : instance disciplinaire ou procès du Juge d’Instruction ?
dimanche, 8 février 2009
/ Paul Huber

Il y a des situations particulèrement inquiétantes qui justifient que les magistrats, malgré leur réserve naturelle, prennent la parole et s’expriment. L’utilisation qui est faite du passage de Monsieur Burgaud devant le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) en fait partie.

Entendons nous bien. Il ne s’agit nullement pour nous de prendre la défense de Fabrice Burgaud. Nous ne connaissons pas le dossier et nous nous garderons bien de prendre une position de principe qui ne serait que corporatisme.

Cependant, nous ne pouvons pas rester taisant devant le détournement qui est fait de cette instance. Loin d’être une procédure disciplinaire, cet événement est utilisé comme procès du Juge d’Instruction dont l’acte d’accusation a été prononcé par le Président de la République le 7 janvier dernier sans même attendre le rapport de la Commission Léger.

Nous refusons l’amalgame auquel nous assistons. En effet, comment ne pas voir un lien entre l’annonce de la suppression du Juge d’Instruction et le passage de Monsieur Burgaud devant le CSM ? Comment ne pas trouver surprenante la proximité entre cette audience disciplinaire et la date du dépôt du pré-rapport de la commission Léger qui devrait entériner la suppression du juge d’instruction ? Comment ne pas voir l’utilisation de cette instance disciplinaire à des fins politiques ?

Nous souhaitons une véritable réforme de la procédure pénale qui passe par une augmentation des droits de la défense et le renforcement du contradictoire et des contre poids procéduraux. Cette réforme doit à notre sens passer par le maintien d’une « instruction » indépendante. Il en est de l’égalité de tous devant la justice, quels que soient les revenus de chacun et de l’existence d’un réel contre pouvoir face au politique, nécessaire à la Démocratie. Réformer la procédure pénale demande du temps, des débats et du recul. Pourquoi revenir en quelques jours sur les dispositions de la Loi du 7 mars 2007 instaurant la collégialité de l’instruction, pourtant votée sur proposition de la commission d’enquête parlementaire dite d’Outreau ? Pourquoi vouloir obstinément rassembler tous les pouvoirs d’enquête dans les mains des Procureurs de la République qui, s’ils sont indépendants dans leur tête ne le sont pas dans leur statut et resteront toujours soumis à leur hiérarchie et aux instructions du Ministre de la Justice ?

Le Juge d’Instruction n’est pas l’homme ou la femme le plus puissant de France. Cette idée repose sur des pratiques anciennes qui ne sont plus d’actualité. Il ne met plus en prison. Il ne décide pas des affaires qu’il traite. Les parties peuvent lui demander d’accomplir des actes et peuvent faire appel de ses décisions. Pour autant il est aujourd’hui souvent le seul recours pour la victime quand même le procureur de la République ne veut pas donner suite à sa plainte. Que deviendront les victimes dans ce nouveau système procédural ?

Nous ne défendons pas notre emploi car avant d’être juge d’instruction nous sommes des juges et nous le resterons quoiqu’il en soit. Nous sommes prêts à discuter avec les citoyens, avec les représentants de la Nation, et à ouvrir les portes de nos cabinets mais nous refusons les termes d’un débat joué d’avance où les citoyens sont manipulés et orientés constamment à des fins politiques.

Le scandale d’Outreau nous a tous affectés. Nous non plus nous ne voulons plus que cela se produise. Est-ce la faute d’un seul homme quand une cinquantaine de magistrats ont approché le dossier ? Ce n’est pas à nous le dire. Mais qu’on ne s’y trompe pas. C’est au prix du maintien d’une « instruction » indépendante en renforçant les contre poids des droits de la défense, que ces situations dramatiques ne se reproduiront plus. Certainement pas en instaurant le principe d’une enquête à charge dans laquelle le décharge serait soumis à la diligence et à l’aléas de la défense.


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