Association des Jeunes Magistrats (AJM)
http://www.jeunesmagistrats.fr/v2/Compte-rendu-de-la-rencontre-avec.html
Compte-rendu de la rencontre avec M. HOUILLON
Le 14 avril 2009 à l’Assemblée Nationale
mercredi, 22 avril 2009
/ Paul Huber

Etait seul présent pour l’AJM, son Président, Paul HUBER, en raison de l’impossibilité pour d’autres membres du CA de se rendre au rendez-vous.

Monsieur HOUILLON a rappelé tout au long de cet entretien que contrairement à ce que pouvaient penser les magistrats il était très modéré. Il a notamment rappelé à plusieurs reprises son rôle de rapporteur à Commission OUTREAU et l’image qu’il en a eu auprès des magistrats. Interrogé sur le déjeuner, filmé par "Envoyé Spécial", avec des auditeurs de justice, et ses paroles (ou celles de Monsieur VALLINI) concernant l’âge d’une collègue, il a expliqué qu’il n’y avait rien de personnel et que l’expérience humaine et professionnelle était essentielle.

L’entretien a commencé, après une rapide présentation de l’association, par une anecdote de Monsieur HOUILLON quant aux « bonnes pratiques » des magistrats. Se rendant dernièrement à une audience en qualité d’avocat, il a constaté que celle-ci n’avait pu débuter qu’une heure après l’horaire prévu en raison du retard du Président et que ce dernier n’a pas même pris la peine de s’excuser. Pour Monsieur HOUILLON, reconnaître son retard n’est pas un signe de diminution de son autorité, bien au contraire. Selon lui « on est d’autant plus juste qu’on est humain ». Il est dès lors très favorable à l’ouverture des magistrats sur l’extérieur, rappelant souvent une rencontre organisée par la Procureur de POINTOISE avec les 180 maires de son ressort afin d’expliquer la politique pénale, les dernières lois pénales et d’informer les citoyens.

Sur notre questionnement quant à l’indépendance et la responsabilité des magistrats, Monsieur HOUILLON a affirmé que l’indépendance n’était pas aujourd’hui remise en cause. L’indépendance du magistrat du siège est, a-t-il rappelé, un des piliers de la démocratie.

Selon lui, la difficulté actuelle est essentiellement de concilier cette indépendance avec une gestion des ressources humaines. L’évolution du corps rend nécessaire de s’intéresser à la gestion des ressources humaines. Ainsi il faudrait pouvoir refuser une mutation à un magistrat si on considère qu’il ne dispose pas des qualités suffisantes pour cette fonction. La relation à l’indépendance serait dans la remise en cause du principe d’inamovibilité puisqu’il faudrait dans certains cas pouvoir « imposer » une fonction à un magistrat. De même, il faudrait selon lui arriver à une évaluation plus professionnelle des magistrats sans pour autant évaluer la qualité des décisions prises.

Monsieur HOUILLON a rappelé son attachement à l’indépendance des juges du siège. Il a même affirmé « entre l’indépendance et la responsabilité professionnelle, je choisis l’indépendance car c’est une des garanties de la démocratie ».

Il a notamment expliqué qu’il ne trouverait pas choquant qu’un juge des libertés et de la détention refuse de siéger en cas d’absence de moyens ou en raison de la tardiveté de l’audience. Questionné sur la responsabilité éventuelle du collègue dans un cas similaire, il a dit qu’il n’était pas pour la responsabilité à raison de la décision rendue sauf en cas de faute lourde.

Selon lui, il faut être plus sévère sur le plan disciplinaire. Il ne faut pas par exemple qu’à moins d’une faute lourde, il soit reproché au magistrat une décision prise en toute indépendance. Ce qui compte pour Monsieur HOUILLON c’est la façon dont on procède pour prendre une décision. Il est favorable à l’établissement d’un guide des bonnes pratiques dont le non respect entraînerait des poursuites disciplinaires.

Interrogé sur le fait de savoir en quoi pouvait constituer ce guide, Monsieur HOUILLON a expliqué qu’au pénal, ce guide était déjà prévu dans le code de procédure pénale au travers du principe du contradictoire, ou le respect du principe de l’instruction à charge et à décharge notamment.

Selon Monsieur HOUILLON, l’indépendance est aussi une question d’âge et d’expérience, un collègue plus mûr et plus expérimenté étant moins accessible à des pressions remettant en cause son indépendance. Pour être indépendant, « il faut non seulement être courageux mais avoir de la bouteille ».

Pour conclure cet entretien d’une heure et demie, la discussion a porté sur la formation des magistrats et les qualités humaines nécessaires à la profession. Selon lui, il faut beaucoup de qualités personnelles pour être magistrat donc il faut être plus exigeant avec eux, non pas contre eux, mais pour eux. Il propose notamment que pendant 10 ans (ou un peu moins), les nouveaux magistrats travaillent en équipe au parquet ou en tant que conseillers à la Cour d’Appel, afin d’acquérir une expérience humaine plus importante. Il est aussi favorable à l’augmentation des stages « extérieurs » notamment en entreprise.

Monsieur HOUILLON a souhaité contredire son image qu’il dit négative auprès des magistrats et a encouragé les initiatives de l’AJM d’ouverture sur l’extérieur, de pédagogie et de réflexion sur nos pratiques. Il nous a donné le conseil d’être entourés de « parrains et marraines » autour de nos axes principaux afin d’être moins exposés à la critique et il a rappelé que l’AJM était légitime, sans s’opposer aux autres, à porter la parole de la magistrature de demain.