Réflexions/Débats

Regard sur les préoccupations des jeunes magistrats lors de leur entrée en fonction

Vous trouverez ci-joint une tribune rédigée par Florence LARDET, présidente de l’AJM, publiée dans la Gazette du Palais.

Regard sur les préoccupations des jeunes magistrats lors de leur prise de fonction

Avec moins de 11 juges et de 3 procureurs pour 100.000 habitants contre une moyenne de 21 juges et de 12 procureurs pour l’ensemble de l’Europe, tout jeune magistrat français peut se rassurer : s’il devait mourir prématurément, cela ne serait certainement pas d’ennui mais plutôt noyé, sous la pile de dossiers qu’il voit s’amonceler dans son bureau sans parvenir à atteindre un équilibre entre le flux des "entrants" et des "sortants". S’il y a peu de magistrats et que le travail ne manque pas, force est de constater que les réflexions partagées sur la prise de fonctions au sein de l’Association des Jeunes Magistrats ne se concentrent pas uniquement sur cet aspect là.

Une question récurrente, et propre à chaque nouvelle génération de magistrats, est celle de la légitimité : « Qui suis-je pour juger ? Suis-je à ma place ? Vais-je rendre de bonnes décisions ? » Il ne s’agit pas de douter de tout mais de prendre la mesure de la responsabilité qui nous incombe lorsqu’on entre en fonction. Se pose également la question de la construction d’une identité professionnelle et de la façon de trouver sa place parmi les pratiques déjà existantes. Certains ont d’ailleurs éprouvé le besoin de prendre la plume pour partager leurs expériences. C’est le cas de Céline Roux dans La juge de 30 ans qui dépeint les interrogations de cinq jeunes magistrats à la suite de leur prise de fonction.

S’il est constaté que la question de la légitimité se résout avec les années, une autre préoccupation, plus récente puisque consécutive à la loi organique relative aux lois de finances, tourne autour de la notion de performance. C’est la question de l’efficacité de chaque magistrat dans la gestion de son service : « comment gérer un contentieux de masse, juger « dans un délai raisonnable « tout en ne le faisant pas au détriment de la qualité de la décision rendue ? Comment par ailleurs donner du sens à sa mission alors que les indicateurs de performance mettent essentiellement l’accent sur le quantitatif ? » Ces questions sont essentielles puisqu’elles consistent à s’interroger sur le cÅ“ur de l’activité du magistrat, sur le sens de sa mission et sur ce qu’est concrètement unejustice de qualité. 

A travers ces deux questions, celle de la légitimité et celle de la performance, c’est le besoin de donner du sens à ses actes qui transparaît, de comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait. Et c’est en cela que l’engagement collectif, qu’il soit syndical ou associatif, est primordial en ce qu’il permet de « sortir la tête de l’eau » pour échanger sur ses pratiques, réfléchir à la place du magistrat au sein de la société ainsi qu’à des solutions pour surmonter les difficultés concrètes rencontrées. Si ces aspects-là ne sont pas valorisés par les indicateurs de performance, ils contribuent toutefois à donner à l’institution judiciaire un souffle dont elle a viscéralement besoin.

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