Réflexions/Débats

"Il y a des jeunes qui sont bien !", Philippe BILGER

Le samedi 26 novembre dernier, l’AJM organisait un temps d’échanges entre jeunes magistrats au Palais de Justice de PARIS. Se retrouver pour partager ses expériences, s’interroger, réfléchir à la manière d’améliorer les choses... Cette année, Philippe BILGER, ancien avocat général à la Cour d’Assises de PARIS, nous a fait l’honneur d’accepter notre invitation et de venir partager son expérience avec nous. Des paroles pleines d’énergie et d’enthousiasme incitant chacun à assumer et à développer sa singularité afin que chacun, à sa petite échelle, contribue au rayonnement de l’institution judiciaire.

A la suite de cette rencontre, Philippe BILGER a publié sur son blog "Justice au singulier" un article intitulé "Il y a des jeunes qui sont bien !" dans lequel il réagit à la suite de ce temps d’échanges. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, l’article est consultable sur son blog.

"Il y a des jeunes qui sont bien !

Le jeunisme me tape tellement sur les nerfs que j’ai tendance parfois à incriminer la vraie jeunesse, à lui reprocher de n’être que ce qu’elle est comme si elle bénéficiait abusivement d’un statut qu’elle n’exploitait pas à fond. Je me suis même surpris parfois à ressentir une forme d’aigreur face à des fraîcheurs triomphantes qui ne démontraient rien de plus qu’elles-mêmes.

Un samedi j’ai été invité par l’AJM au palais de justice de Paris pour parler de la justice, des pratiques professionnelles, de la hiérarchie et de l’indépendance des magistrats. Je ne savais pas ce qu’était l’AJM et j’ai découvert qu’il s’agissait de l’association des jeunes magistrats. J’ignorais son existence. Elle a été créée en 2007 et aujourd’hui compte environ 350 membres.

C’est peu certes mais après avoir échangé avec ceux qui avaient bien voulu venir m’écouter et dont le questionnement a été pertinent et stimulant, je me suis dit que c’était une formidable opportunité pour la Justice et la magistrature que d’avoir la vigueur et l’intelligence de cette jeunesse-là.

Loin d’un syndicalisme judiciaire corseté, idéologique ou corporatiste, passionnée cependant par la réflexion collective et la communication des expériences entre magistrats de tous âges, l’AJM représente une chance dans un monde qui malheureusement oscille trop souvent entre un "marais" et des extrémismes qui déshonorent la Justice. Entre le Mur des cons et des enfermements professionnels qui se gardent bien de toute respiration extérieure.

J’ai été infiniment sensible au fait que l’AJM convie des personnalités judiciaires en activité ou à la retraite pour que celles-ci exposent seulement la conception de leur métier, la manière dont elles avaient affronté parfois de graves difficultés et les relations qu’elles avaient entretenues avec leurs collègues ou leurs supérieurs.

La richesse de cette association est qu’elle permet et facilite ce qui n’a jamais été fait à l’école nationale de la magistrature et ailleurs, dans les juridictions : écouter des gens qui ont eu une histoire, des talents, peut-être des faiblesses et s’enrichir à leur contact. Précisément à cause de leur diversité et de leur parcours différent, aisé pour l’un, malaisé pour l’autre. La magistrature n’est pas friande des réputations qui l’ont honorée ou non. Contrairement au barreau qui, malgré des haines vigilantes, se trouve un dénominateur commun en célébrant ses gloires et ses maîtres.

Je me rappelle avoir dialogué à ma seule initiative durant deux heures à la Cour de cassation avec un avocat général emblématique Marcel Dorwling-Carter. Jamais invité nulle part, sinon, pour évoquer sa technique, ses méthodes et son regard sur la cour d’assises !

J’imagine ce qu’un Eric de Montgolfier, un François-Louis Coste, auraient à exprimer dans un tel cadre et, si on me conviait, j’aurais sans doute un discours autre. Avec tant ayant quitté ce beau métier et tant d’approches riches et diverses.

Ce qui me séduit plus que tout à l’AJM est qu’elle n’est pas tombée dans un défaitisme, dans une morosité et qu’elle est fière d’avoir fait le choix de cette profession. Je me suis félicité de pouvoir lui adresser, ce samedi, un discours roboratif, enthousiaste, sincère qui avait pour finalité de ne pas les décourager contrairement à tant d’autres pessimistes par principe et par paresse.

La présence de l’AJM dans le paysage judiciaire constitue une possibilité - si la jeunesse qu’elle invoque ne s’arrête pas trop tôt - de casser des rigidités, des orthodoxies, des partialités, de faire circuler un air de liberté et de spontanéité, d’amabilité et de souci du citoyen dans un univers qui en a besoin.

Ce sera d’autant plus nécessaire qu’à partir de 2017 la Justice demeurera un enjeu capital et que son administration imposera des contacts et des rapprochements avec des instances moins enkystées dans les processus officiels, plus souples, moins dogmatiques. Impossible, dans tous les cas, d’avoir un garde des Sceaux aussi calamiteux que Christiane Taubira mais il ne lui suffira pas d’être de droite !

Nous ne connaissons pas encore le détail du programme de François Fillon, encore moins celui d’Emmanuel Macron et il faudra attendre quelque temps celui de Manuel Valls qui participera à la primaire socialiste.

Nous disposons cependant d’une base que l’Institut pour la Justice a voulue lors d’une journée où Philippe Houillon notamment est venu exposer les grandes lignes du projet de François Fillon avant la primaire LR du 20 novembre.

Un livre de Louis Vogel, soutien d’Alain Juppé hier et remarquable analyste d’une réalité que maire de Melun il appréhende quotidiennement, formule "20 propositions pour la justice de demain". Aucune n’est indifférente et toutes à discuter.

Qu’on n’oublie pas demain l’AJM dans les tables rondes et dans les commissions qui ne réuniront pas, je l’espère, que des gens pensant la même chose !"

Voir en ligne : Justice au singulier

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