Billets d’humeur

Mots croisés, Justice et émotions

Comment parler aujourd’hui de la justice et de son fonctionnement, dans les médias ? Cette question qui intéresse beaucoup l’AJM a trouvé lundi 15 octobre au soir une réponse que je qualifierai d’inattendue. L’émission Mots Croisés de France 2 proposait un débat sur le thème « Bertrand Cantat sort demain ».

D’un premier abord il s’agissait d’un thème mêlant actualité et people avec un titre racoleur et on pouvait craindre une très forte volonté de faire de l’émotionnel, opposant le décès d’une femme battue par son conjoint à quatre années effectives de détention. On pouvait à tout moment s’enliser dans une tendance médiatique déjà vue du style on refait le procès : était il violent avec d’autres, comment en sont ils arrivés là, devait il être puni à une peine plus importante, le juge d’application des peines a-t-il bien fait de le libérer alors qu’une femme est décédée etc... ?

Au delà de ces questions liées à fait divers, on a vu émerger par instant puis pour plus longtemps des explications sur le fonctionnement de la justice. Comme un miracle on a soudain pris le temps pour parler des violences conjugales sans chercher à tout ramener au fait divers, pour aborder ses aspects sociaux, pénaux et psychologiques, pour parler de la place des victimes dans le procès, pour poser la question de savoir à quoi sert la justice dans une société, pour expliquer comment fonctionne la libération conditionnelle, ses obligations et le rapport avec l’exécution de la peine, et pour aborder le problème d’une justice fondée sur l’émotion.

Bien sûr comme tout miracle, ça n’a duré qu’un temps et l’affaire a repris ses droits pour clôturer l’émission. Mais dans cette émission de réaction à l’actualité et de pure émotion, les invités ont su se détacher du fait divers pour hausser le débat et ce qui laissait craindre une mauvaise alliance entre actualité, people et justice, a permis d’expliquer un peu la justice. Je reste sceptique sur le mélange des genres et j’attends avec impatience une émission de type « Cécilia et Nicolas SARKOZY divorcent » au cours de laquelle on aborderait les différentes procédures de divorce, le rôle des avocats et des enquêtes sociales, l’audition de l’enfant et l’augmentation des procédures. Mais je ne peux qu’admettre que le résultat, voulu ou non, est là. Cette émission pose dès lors une question essentielle à ceux qui veulent communiquer sur le fonctionnement de la justice : peut-on utiliser l’émotion suscitée par un fait divers et comment l’utiliser à des fins pédagogiques ?

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