Billets d’humeur

Instruction : du secret partagé au secret révélé

La presse, les journaux télévisés regorgent de faits divers, de dossiers pénaux plus ou moins médiatisés dont nous suivons les évolutions à force de détails plus ou moins croustillants, une forme de téléréalité en direct, comme si nous regardions par le petit trou de la serrure la vie des autres. Au delà de cette forme de voyeurisme, nous pouvons aussi nous draper derrière ce fameux “droit à l’information” du citoyen. Certes. Pourtant à y regarder de plus près que voyons-nous ? Des reportages reprenant des pans entiers d’interrogatoires par des policiers et des juges d’instructions, des avocats qui au sortir d’un palais de justice lisent en direct devant les caméras la première audition de leur client par un juge (à savoir l’interrogatoire de première comparution). Sauf que ces pratiques devenues banales portent un nom : il s’agit de violation du secret de l’instruction (passible d’une peine de 1 an d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende) et de recel de violation du secret de l’instruction, soit un délit (passible d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende).

Qu’est ce que le secret de l’instruction ? Ce secret est défini par la loi et notamment par l’article 11 du code de procédure pénale au terme duquel “la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète”.

Qui doit le respecter ? Là encore la loi le précise à savoir : “toute personne qui concourt à cette procédure” c’est-à-dire les magistrats, les policiers. S’agissant des avocats il ne sont pas à proprement parler considérés comme “une personne concourant à la procédure” mais il sont soumis au secret professionnel et doivent également respecter le secret de l’instruction. S’agissant des journalistes si ces derniers obtiennent des informations de la part de policiers, de magistrats ou d’avocats, c’est à dire de personnes ayant directement accès à l’instruction, il commettent également une infraction de recel de violation du secret de l’instruction en divulguant de tels renseignements, qui doivent être mis en balance avec le droit à l’information, en fonction du sujet.

Y a-t-il des exceptions ? Oui. Le procureur de la République peut communiquer des informations mais uniquement “pour éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public”. De même les mis en examen, les témoins et les parties civiles ne sont pas soumis à cette règle.

Quel est l’intérêt de ce secret ? Préserver la présomption d’innocence mais aussi protéger une enquête c’est à dire par exemple ne pas révéler à une personne recherchée et en fuite ce que les autres personnes interpellées auraient pu déclarer. S’il suffit d’ouvrir un journal pour savoir précisément ce que contient un dossier, quels éléments à charge ou à décharge sont présents, comment déterminer le rôle de chaque protagoniste ? Comment connaître la part de vérité et la part de préparation, d’adaptation. Récemment un journaliste m’a contacté directement pour avoir des informations sur une instruction en cours car il souhaitait faire un reportage. Or dans ce dossier personne n’avait encore été interpellé. Alors pourquoi ne pas imaginer cette scène d’un reportage entre un journaliste et un malfaiteur non encore interpellé : “Monsieur, les policiers vous recherchent, qu’en pensez-vous, pouvez-vous nous donner vos impressions.” Surréaliste ? Pas tant que ça finalement... et que dire si les juges d’instructions s’émancipaient également de ce secret. Imaginons un juge après un interrogatoire venir devant les caméras : “Monsieur X m’a dit cela, je lui ai posé telle question”. Si vous êtes d’accord avec le juge, Tapez 1, sinon Envoyez 2 !

Pourquoi réagir ? Parce que le secret de l’instruction doit être respecté. Il faut trouver un équilibre entre information du citoyen et sérénité d’une enquête. Cela n’est possible que si tous les acteurs ont conscience des différents enjeux et qu’il ne s’agit pas seulement pour les uns et les autres de rechercher un scoop, une gloire éphémère. Il ne s’agit pas de brimer ou de brider la parole, il s’agit d’avoir une parole intelligente et faite en conscience.

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Commentaires

1 Message

  1. Instruction : du secret partagé au secret révélé

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