Réflexions/Débats

Décision du CSM sur Fabrice BURGAUD : une décision qui fait débat

A l’AJM on aime bien les débats et ça tombe bien, la décision du CSM du 24 avril dernier concernant Fabrice BURGAUD provoque des réactions diverses au sein de l’association.

Il y a ceux qui considèrent qu’elle n’est qu’un compromis mou qui ne peut satisfaire personne et notamment les magistrats. Ceux là reprennent l’idée du bouc émissaire. Ils mettent en avant que le CSM lui même conclut que les autres magistrats du siège ou du parquet parfois bien plus expérimentés qui devaient surveiller ou contrôler son instruction, n’ont jamais rien eu à redire, et se demandent pourquoi il faudrait sanctionner Fabrice BURGAUD et pas tous les autres. Ils font aussi valoir que la loi du 6 août 2002 a amnistié tous les faits commis avant le 17 mai 2002 constitutifs de fautes disciplinaires et que du coup seuls les faits commis à compter de cette date peuvent être reprochés au juge, soit pendant une période de moins de trois mois. Ils pointent alors l’ambiguité de la démarche du conseil qui dans un premier temps cite l’ensemble des actes effectués pendant toute l’instruction pour finalement ne pouvoir légalement en retenir que quelques uns. Ils mettent en parallèle la sanction de « réprimande » avec la période des faits pouvant être reprochés à Fabrice BURGAUD et constatent qu’elle est très sévère pour seulement trois mois d’instruction (soit 7 interrogatoires ou confrontations et deux notifications d’expertise). Loin d’avoir fait du corporatisme, ceux là considèrent que le CSM limité par les règles de droit, a cherché malgré tout à sanctionner Fabrice BURGAUD afin de répondre au besoin de sanction exprimé par l’opinion publique et le pouvoir politique.

A l’opposé, il y a ceux qui considèrent que la décision du CSM est précise, motivée, et qu’elle énumère d’importants manquements qui ne pouvaient pas, par leur accumulation, demeurer sans sanction. Ceux là pensent que la simple réprimande est discutable car au regard des évidences que le conseil relève, une autre sanction plus sévère aurait pu être prononcée. Ils soulignent la qualité de la décision rendue qui n’hésite pas à casser l’image du juge véhiculée par l’opinion publique, en ne retenant pas les griefs habituels qui lui étaient faits comme l’absence de respect des droits de la défense. Ces mêmes personnes sont souvent ceux qui souhaitent que la décision agisse comme un électrochoc sur les magistrats et qu’elle les conduise à remettre en question leurs pratiques de manière quotidienne. Ils pensent que l’erreur de l’institution c’est de ne pas avoir pu prévenir ce genre de pratiques et ils rejoignent souvent l’idée d’une véritable inspection régulière des magistrats sur le même mode que les enseignants. Ils estiment que cela permettrait un retour sur ses pratiques, et supprimerait l’hypocrisie de l’évaluation par le Président du tribunal qui ignore souvent la réalité des qualités des magistrats et qui peut utiliser cette évaluation aux fins de pression indirecte.

Enfin, certains considèrent que la décision n’est pas seulement importante pour le cas Burgaud mais surtout pour ce qu’elle représente pour tous les magistrats. Ils considèrent que la décision ne peut être appréciée qu’au regard de la volonté générale de renforcer la responsabilité des magistrats, de remettre en cause leur indépendance et de permettre à tout justiciable de saisir directement l’instance disciplinaire. Ils pensent que la très importante médiatisation du cas d’espèce conduit à accorder à cette décision une lecture plus générale. Ils constatent que le CSM ne se contente pas de vérifier le respect des principes généraux comme du contradictoire, de l’égalité des armes et des droits de la défense mais analyse la rigueur dans la conduite des actes comme la vérification des contradictions, des déclarations des parties etc … S’ils partagent l’idée que la décision accentue la vigilance des magistrats quant à leurs pratiques, ce qui est une bonne chose, ils sont plus inquiets que leurs collègues par l’utilisation qui peut être faite de cette « jurisprudence » Burgaud. D’abord, ils craignent qu’elle soit utilisée pour porter atteinte à l’indépendance des juges, comme une nouvelle pression non pas sur un dossier ponctuel ni sur les qualités professionnelles mais sur la participation des juges au débat public. Ensuite, ils s’inquiètent du fait qu’à terme le CSM établisse un registre des « bonnes » méthodes de travail et qu’à chaque acte réponde une « méthode » par exemple d’interrogatoire pour tel type de dossier. Ce serait oublier que chaque dossier est différent et que chaque interrogatoire se construit différemment selon la personnalité de la personne concernée et la nature des faits reprochés. C’est oublier que la Justice est affaire d’hommes et doit malgré tout le rester.

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